Voyages imaginaires entre terre et ciel, parcours entre vallons et nuages, j’invente des chemins constellés où se promène le regard. Mon univers est poétique. Comme un cheminement intérieur, j’invite à la balade, à me suivre dans ces vues aériennes. Elles sont nées du souffle de mon enfance coréenne, de mon goût éternel pour la peinture, de mon travail du métal : de ces trois rencontres, j’ai créé mes univers.
De mon passé en Corée, je garde le souvenir des matières, les croyances de mes aïeux.
Le papier de mûrier-platane est la peau de cette mémoire, les coupelles émaillées en sont les symboles secrets. Ce papier tapissait le sol des maisons, je le voyais de ma hauteur d’enfant. Dessus s’imprimait les traces de pas, de vie, et j’imaginais déjà des tableaux, des paysages. En France, j’ai repris cette matière première, je l’ai désagrégée dans l’eau, remodelée pour retirer son côté lisse, natif, et créer une texture irrégulière, plus vivante. Je me suis rapproprié le papier de mûrier-platane pour rendre plus manifeste et partager mes chemins imaginaires. Aussi, je peins, je souligne d’encre de chine, je saupoudre de pigments coréens, pour que les volumes quittent leur blancheur silencieuse et donnent à voir ces mondes colorés qui me peuplent. Mon pinceau part parfois seul et me guide, je me suis fait happer dans mes propres paysages. Je suis comme celui qui regarde, le papier me mène par ses directions étranges, et je me laisse guider. Parfois la référence à une forêt est plus prégnante, presque paradisiaque, parfois les lignes bleues comme organiques deviennent plus mystérieuses, presque inquiétantes. Chacun peut se projeter. Ce qui domine et transpire plus de ma personnalité est dans la sérénité. Dorénavant, c’est entre les nuages que j’invite à poursuivre le voyage, plaisant, calme.
Chacun vit un tableau à sa manière et mon passé n’a pas besoin d’être livré même si, ces petites coupelles sont en fait un héritage symbolique : de sa vie, on la remplit. Un bol nous est métaphysiquement donné à la naissance. La taille pour chacun est différente, mais tous nous l’utilisons. Mes petites coupelles sont ces vies, si différentes, en bronze ou en argent oxydé, en laiton poli, doré, émaillées de couleurs, ponctuées d’une perle. Esseulées, regroupées en masse, qu’on les voit comme des fleurs ou des êtres qu’importe. Elles sont dans mes paysages plus qu’un décor, elles sont des présences et pour moi, parfois tout un peuple. Elles font de mes chemins, des chemins de vie.
Des racines de mon enfance, de mes études aux Beaux-Arts de Séoul, de ma formation d’orfèvre à Paris, j’ai nourri mon travail. Toutes ces années ont construit mon savoir-faire. Pourtant ce n’est pas lui que je veux que l’on retienne, mais que grâce à lui, plus facilement on s’élève. J’aime l’idée qu’un tableau ne reste pas enfermé dans un cadre, soit avant tout une invitation à aller ailleurs, à traverser les gens. Alors, je sais, qu’à leur tour, mes tableaux voyagent par leurs yeux, par leur cœur.